Nous encourageons tous les travailleurs des postes à contacter le Comité de base des travailleurs des postes à l’adresse canadapostworkersrfc@gmail.com ou en remplissant le formulaire à la fin de cet article.
L’annonce faite vendredi soir par le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) selon laquelle il est parvenu à une « entente de principe » avec la direction de Postes Canada et met fin à toutes les mesures de conflit restantes est une capitulation servile et une trahison colossale. Travaillant main dans la main avec le gouvernement libéral et la direction de Postes Canada, la bureaucratie syndicale facilite consciemment le démantèlement de Postes Canada et la destruction de dizaines de milliers d’emplois.
Les travailleurs des postes doivent immédiatement réagir pour contrer cette trahison en formant des comités de base indépendants dans chaque centre de tri postal et dépôt à travers le Canada, sous la direction du Comité de base des travailleurs des postes (CBTP). Comme l’a déclaré Daniel Berkley, membre du CBTP, dans des commentaires adressés au World Socialist Web Site : « L’employeur et le gouvernement ont clairement énoncé leurs “principes” pour faire de Postes Canada une entreprise “rentable” et “durable”, et ceux-ci sont en contradiction totale avec les besoins du public et des travailleurs des postes, qui souhaitent avoir de bons emplois et utiliser les nouvelles technologies pour améliorer les services et la vie des travailleurs. Le syndicat préfère satisfaire le gouvernement et l’entreprise plutôt que de défendre les besoins fondamentaux de ses propres membres. Nous sommes affaiblis et trahis à chaque tournant. C’est pourquoi le CBTP doit être bâti dans chaque lieu de travail et tendre la main à tous les travailleurs du secteur de la logistique. »
L’entente, qui concerne à la fois les unités de négociation urbaines et RSMC (regroupant les travailleurs des postes en milieu rural), a été conclue dans le plus grand secret. En plus, le STTP refuse de fournir à ses membres le moindre détail concret quant à son contenu et suspend tout ce qui restait des actions syndicales alors que commence la période la plus rentable de l’année pour Postes Canada avec la saison des achats des fêtes de fin d’année battant son plein.
Pourtant le syndicat a admis que la rédaction finale de ces ententes provisoires pour les deux unités de négociation pourrait bien prendre des semaines, sinon même des mois. Et il demande pourtant aux travailleurs d’avoir confiance dans le fait que ces conventions, qui restent à rédiger, protégeront d’une manière ou d’une autre leurs intérêts, alors que la direction de Postes Canada procède à des licenciements, des fermetures et à l’utilisation de l’IA pour augmenter leur charge de travail, en plus de continuer d’étendre les activités de sa filiale Purolator, qui est spécialisée dans la manutention de colis, et de poursuivre l’« amazonisation » des opérations postales, des développements qui ne feront qu’accélérer les suppressions d’emplois et l’intensification du travail.
Postes Canada et le STTP ont confirmé vendredi que « toutes les activités de grève ou de lock-out sont suspendues » pendant que les avocats officialisent « l’entente de principe », et qu’aucun détail ne sera divulgué avant la conclusion des ententes provisoires.
La direction et le gouvernement libéral de Carney savent exactement ce que contient « l’entente » ; les travailleurs des postes, dont les moyens de subsistance sont en train d’être sacrifiés, sont quant à eux délibérément maintenus dans l’ignorance par le STTP.
Le président de la section locale 626 du STTP à Toronto, Mark Lubinski, a clairement exprimé l’enthousiasme de la bureaucratie pour cette entente pourrie, déclarant à CBC News que la fin des grèves tournantes était « une excellente nouvelle pour les Canadiens ». Il a admis qu’il n’avait vu aucun détail et s’attendait à plusieurs mois de rédaction secrète avant que les travailleurs ne soient autorisés à voter sur une entente provisoire.
L’avocat spécialisé en droit du travail Sundeep Gokhale a été plus direct, déclarant à CTV qu’il n’existait en fait aucune entente. L’entente annoncée est « inhabituelle » précisément parce qu’il n’y a pas de contrat concret : « Ils ont dit : “Conceptuellement, nous nous sommes mis d’accord sur les grandes lignes. Mais maintenant, nous allons mettre cela sur papier », qualifiant cela d’« accord visant à aboutir finalement à une entente provisoire” ». Gokhale a ajouté que Postes Canada « n’avait pas renoncé » à ses exigences fondamentales, notamment la suppression des points de service ruraux et de banlieue et l’expansion des boîtes aux lettres communautaires, et qu’elle était en mesure d’intégrer ces mesures dans les « conventions collectives » qui doivent encore être négociées.
L’offensive contre les travailleurs des postes est orchestrée par le gouvernement libéral. En septembre, le ministre de la Transformation du gouvernement, Joël Lightbound, a ordonné à Postes Canada de présenter un « plan de transformation » au gouvernement dans un délai de 45 jours. La société d’État s’est exécutée le 10 novembre, déclarant qu’elle attendait désormais l’approbation du gouvernement.
Le public, les travailleurs des postes et même le syndicat n’ont pas le droit de connaître le contenu du plan tant qu’Ottawa ne l’a pas approuvé. Les éléments essentiels sont toutefois déjà connus : fin de la distribution quotidienne à domicile pour quatre millions d’adresses, conversion des services de quartier en boîtes aux lettres communautaires, fermeture de centaines de succursales postales rurales et de banlieue, réduction du nombre de jours de distribution du courrier, suppression de la sécurité d’emploi pour les employés permanents et, comme l’a confirmé la semaine dernière le PDG de Postes Canada, Doug Ettinger, suppression de 30 000 postes d’ici 2035 par attrition.
L’assaut contre les travailleurs de Postes Canada est un élément clé du programme plus large « Un Canada fort » du gouvernement Carney, qui vise à faire porter tout le poids du réarmement militaire en vue d’une guerre mondiale et de l’enrichissement de l’oligarchie financière sur le dos de la classe ouvrière.
Le premier budget du gouvernement Carney, adopté la semaine dernière au Parlement avec la collaboration du NPD, du Parti Vert et de la bureaucratie syndicale, marque un virage radical vers l’austérité et le réarmement militaire. Des dizaines de milliards de dollars sont réaffectés en incitatifs fiscaux pour les entreprises, en subventions aux grandes entreprises, en réarmement et pour l’expansion rapide de la base militaro-industrielle canadienne, le tout financé au moyen de coupes sombres dans les services publics et la suppression de dizaines de milliers emplois dans le secteur public.
Carney et l’élite financière considèrent le démantèlement du service postal public comme un terrain d’essai pour ce programme. En ciblant l’un des services publics les plus visibles et l’un des secteurs les plus militants de la classe ouvrière, les Libéraux veulent démontrer qu’aucun service public, aucun emploi et aucune convention collective ne feront obstacle à leur volonté d’imposer la « viabilité financière », d’améliorer la « compétitivité » et de préparer l’impérialisme canadien à la confrontation dans un monde qui se précipite vers une guerre encore plus vaste.
La détermination de la base contre le sabotage du STTP
Les travailleurs des postes ont démontré à maintes reprises leur volonté de riposter. L’annonce de la restructuration faite par Lightbound le 25 septembre a déclenché des grèves spontanées au Canada atlantique et dans d’autres régions, obligeant la direction du STTP, sous l’énorme pression de la base, à sanctionner à contrecœur une grève nationale.
Dès que le STTP s’est senti en mesure de faire échouer la grève, il a unilatéralement mis fin au mouvement national et instauré des « grèves tournantes » sans effet, évitant systématiquement les grandes zones urbaines et ne touchant qu’une infime partie de la distribution du courrier. Le syndicat a poursuivi les négociations à huis clos avec la direction, alors même que le gouvernement insistait sur le fait que la restructuration de Postes Canada – allant de la levée du moratoire sur la fermeture des succursales postales rurales à la fin de la distribution du courrier à domicile, en passant par la suppression de dizaines de milliers d’emplois – n’était pas négociable.
Le STTP a pu mener à bien sa trahison des travailleurs des postes vendredi parce que, malgré leur courage et leur militantisme, les travailleurs n’ont pas encore pris leur lutte en main et ne comprennent pas la stratégie nécessaire pour mener ce qui est au fond une lutte politique.
Les milieux d’affaires et politiques ont pour leur part clairement fait savoir qu’ils attendaient des travailleurs des postes qu’ils absorbent les coûts de décennies de sous-financement intentionnel, de la concurrence des géants du courrier et de la frénésie de réarmement de l’État.
Le Globe and Mail, s’exprimant au nom de Bay Street, a salué la capitulation du STTP dans un récent éditorial, déclarant que le syndicat semblait avoir « accepté la réalité » et insistant sur le fait que si les travailleurs résistaient, Ottawa « devra prendre d’autres mesures ». Il s’agit là d’un avertissement clair que le gouvernement doit se tenir prêt à imposer sa restructuration par la force s’il estime que la bureaucratie syndicale n’est pas en mesure de maintenir la discipline parmi ses membres.
Les travailleurs des postes sont en position de force pour riposter dans cette guerre des classes, mais pour cela, ils doivent se libérer de l’emprise que leur impose la bureaucratie syndicale. Ils doivent chercher le soutien des vastes couches de la classe ouvrière, qui sont toutes confrontées à des assauts similaires contre leurs emplois, leurs conditions de vie, leurs services publics et leur droit de grève. La base d’une telle lutte commune est le rejet de la priorité accordée par le capitalisme à la rentabilité des entreprises au détriment de tout le reste, et l’insistance sur le fait que ce sont les besoins sociaux de la grande majorité de la population – c’est-à-dire des travailleurs – qui doivent passer en premier. Pour ce faire, il faut lutter pour une mobilisation politique de masse de la classe ouvrière pour la prise du pouvoir politique par les travailleurs.
La récente lutte des agents de bord chez Air Canada souligne que les travailleurs des postes obtiendront un soutien enthousiaste s’ils s’orientent vers la classe ouvrière. Quelque 10 500 agents de bord ont courageusement défié en août un ordre gouvernemental de briser la grève dans le cadre d’une lutte contre le travail non rémunéré et les charges de travail insupportables. Mais l’absence d’une organisation de base indépendante de la bureaucratie syndicale et l’absence d’une perspective politique claire pour orienter la grève vers une contre-offensive de masse menée par les travailleurs contre l’austérité capitaliste et la guerre ont donné au Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) suffisamment de marge de manœuvre pour mener au sabotage de la grève au beau milieu de la nuit. Les agents de bord se sont vu arbitrairement refuser le droit de voter sur une grande partie de « l’entente » concoctée par le SCFP et Air Canada, et même les éléments qui ont été soumis au vote ont été immédiatement renvoyés à l’arbitrage exécutoire par la bureaucratie syndicale après un vote à 99 % contre.
Le CBTP insiste sur le fait que les travailleurs des postes doivent s’opposer non seulement à Postes Canada, mais aussi au gouvernement Carney pro-patronal et à l’ensemble de l’establishment politique, y compris au NPD et aux dirigeants syndicaux corporatistes.
La stratégie du STTP conduit les travailleurs dans une impasse. La lutte doit être retirée des mains de la bureaucratie syndicale et confiée à des comités démocratiques de la base.
Ces comités doivent :
- Exiger la publication immédiate du plan de transformation dans son intégrité, avec toutes les annexes, de l’« entente de principe » conclue entre le STTP et Postes Canada, et de tous les projets de convention ;
- S’opposer à toute entente destructrice d’emplois, sapant le service public ou intensifiant l’exploitation ;
- Organiser des réunions de masse pour casser la décision du STTP de mettre fin à la grève ;
- Se coordonner à l’échelle nationale par l’intermédiaire du Comité de base des travailleurs des postes ;
- Tendre la main aux travailleurs de Purolator, d’Amazon et des autres entreprises du secteur de la logistique, du transport et du secteur public de partout en Amérique du Nord ;
- Relier leur lutte au mouvement international croissant contre l’austérité et la guerre par l’intermédiaire de l’Alliance ouvrière internationale des comités de base (IWA-RFC).
La lutte chez Postes Canada soulève des questions politiques fondamentales concernant la défense des services publics, le droit de grève et l’utilisation des nouvelles technologies telles que l’IA dans l’intérêt de la classe ouvrière. Pour relever ces défis, il faut une perspective socialiste et une mobilisation unifiée de la classe ouvrière internationale.
Les travailleurs des postes qui partagent cette perspective sont invités à communiquer avec le Comité de base des travailleurs des postes en écrivant au canadapostworkersrfc@gmail.com ou au moyen du formulaire ci-dessous.
